Genève : Un Épicentre Inexploré d'Opportunités
Cet article explore le potentiel de Genève en tant que centre international pour le développement durable et les investissements, soulignant son importance dans le paysage mondial.

Cet article explore le potentiel de Genève en tant que centre international pour le développement durable et les investissements, soulignant son importance dans le paysage mondial.
La Suisse a beaucoup de peine à faire comprendre ce que son incroyable biotope d’humanitaires, d’universitaires, d’entrepreneurs, de chercheurs, de décideurs et de militants peut offrir au monde. (English version of this article)
Depuis trois ans, je vis et travaille entre Genève et Bangkok. Ce qui donne une perspective sur la façon dont la «Suisse internationale» – un concept lancé par Didier Burkhalter, le prédécesseur d’Ignazio Cassis à la tête des affaires étrangères, pour caractériser le poids que Genève apporte à la politique extérieure suisse – est perçue.
Mais les temps ont changé – et vite. En moins de 20 ans, l’Asie s’est vigoureusement positionnée comme vivifiante, créative et tournée vers l’avenir, malgré ses régimes souvent autoritaires et pas toujours respectueux des droits humains. Thaïlande, Malaisie, Singapour, Taiwan et, de plus en plus, le Vietnam, offrent tous des environnements d’affaires stimulants, en particulier des technologies innovantes, qui ne font qu’accentuer le nouveau slogan du continent: «L’avenir est asiatique».
La Suisse internationale, elle, apparaît comme lourde, auto-satisfaite, souvent paroissiale. Surtout depuis que le Tessinois Ignazio Cassis est devenu ministre des affaires étrangères. Certes, les réseaux mondiaux de la science, du développement ou de la finance ont tous compris depuis longtemps l’importance de ce pays en tant que rassembleur d’expertise mondiale. Mais à part eux, la plupart des gens ordinaires, y compris les jeunes, n’en savent rien. Qu’ils soient Asiatiques, Africains, Américains et même Européens, ils perçoivent difficilement la Suisse neutre comme un épicentre énergétique pour les grands défis mondiaux. Les histoires dont les gens se souviennent ont plus à voir avec l’or nazi, la protection des entreprises contre les lanceurs d’alerte, la corruption de la FIFA et le recel de richesses obtenues illégalement.
Et pourtant, avec toute son expertise et son imagination, ainsi que sa capacité à attirer certains des professionnels les plus compétents au monde, la Suisse internationale devrait se démarquer comme leader du changement. Elle devrait apparaître comme l’arène incontournable pour résoudre une série de défis urgentissimes de notre planète: changement climatique, accès équitable à la santé, recherche médicale, sécurité alimentaire, éducation spécialisée, droits humains, médiation des conflits, environnement, migration… La liste est longue.
Le rôle de la Suisse a beau être reconnu, en particulier par les populations en crise, comme le lieu où se trouvent de nombreuses agences des Nations Unies et autres organisations humanitaires ou de développement de premier plan, qu’il s’agisse de la Croix-Rouge internationale ou de l’Organisation mondiale de la Santé, L’essentiel de ce que fait la Suisse internationale reste vaguement connu, même dans ce pays. Vivant dans la région du Léman ou même à Zurich, les professionnels internationaux partent souvent du principe que tout le monde est au courant. Ce n’est pas le cas.
Les développements révolutionnaires de de l’EPFL ou de l’AGORA à Lausanne et à Genève ne viennent pas à l’esprit de la plupart des Asiatiques ou des Africains lorsqu’ils pensent au cancer ou à la recherche sur le cerveau. Le travail exceptionnel d’organisations basées en Suisse comme le Conseil international des infirmières, Terre des Hommes ou Medair n’est pas forcément présent dans les conversations quotidiennes des Européens et Américains. Lorsque je voyage à l’étranger, je suis souvent étonné de constater que même les personnes bien informées n’ont aucune idée de ce que signifient le HCR, l’OIM ou l’UIT.
Peu de personnes en dehors du secteur du développement savent que plusieurs milliers d’ONG, fondations, instituts et entreprises basés en Suisse, qu’il s’agisse de l’ETH de Zurich, de la Société internationale de montagne à Berne, de la Fondation Anne Frank à Bâle, de l’Institut de recherche sur la neige et les avalanches de Davos ou le Jan Michalski Center for Writing à Montricher sont tous engagés dans le monde entier. Il existe même un institut polaire suisse qui gère un camp de recherche sur l’Arctique dans le nord du Groenland. Tous ont une pertinence planétaire exceptionnelle que la Confédération devrait mettre en valeur bien plus efficacement.
L’une des principales raisons de cette si faible conscience globale, c’est que les autorités et les institutions n’investissent pas dans un journalisme indépendant capable d’atteindre de manière crédible un public mondial. Il faut faire savoir ce savoir faire extraordinaire d’une manière et dans un contexte que les gens comprennent. Le problème aujourd’hui est que peu de médias d’information ont les moyens de fonctionner correctement face aux géants des médias sociaux, tels que Facebook et Google, qui ont contribué de manière significative à la subversion du reportage indépendant et durable. La plupart des médias aux États-Unis, par exemple, doivent désormais compter sur des subventions de fondations et des contributeurs individuels pour survivre. La même chose se développe en Europe et dans une moindre mesure en Afrique et en Asie.
Et pourtant, l’ancien président étasunien Trump, Erdogan en Turquie, Poutine en Russie, Museveni en Ouganda, Johnson au Royaume-Uni avec le Brexit et le parti communiste chinois, l’ont bien montré : l’affaiblissement sinon la répression du journalisme indépendant constituent une grave menace pour la démocratie et le droit à une information fiable.
De telles attitudes affectent également le fonctionnement de l’ONU. Il devrait y avoir des reportages beaucoup plus pointus sur les pressions exercées par la Chine, la Russie, l’Arabie saoudite et d’autres pays sur ces organisations, comme le Conseil des droits de l’homme. Ou comment ils infiltrent les institutions à la fois politiquement et économiquement – tous liées d’une manière ou d’une autre aux thèmes de la Suisse internationale – qui ont trait au Moyen-Orient, à l’Afrique, à certaines parties de l’Asie et même aux Caraïbes. De même, les journalistes doivent également demander des comptes aux réformes proclamées par l’ONU, telles que l’arrêt des nominations politiques par les États membres d’individus qui ne sont pas nécessairement adaptés au poste.
Selon le Forum économique mondial et d’autres institutions, les cyber-abus tels que les fausses informations, la désinformation et la manipulation des faits constituent désormais l’une des menaces les plus graves au monde pour la société, et surtout, pour nos jeunes. Pourtant, peu d’efforts sont faits pour y remédier, malgré le potentiel d’un journalisme fiable pour servir de contrepoids.
Même les réactions du public à l’égard de la Covid-19 indiquent dans quelle mesure les gens sont fortement influencés par les rumeurs et les faux médias sociaux. Il suffit de regarder la réticence, sinon le refus de tant de personnes à porter des masques et la distance sociale pour comprendre l’importance de données persuasives, mais surtout fiables. Aujourd’hui encore, de nombreuses personnes – 30 à 40% de certaines populations – considèrent les vaccins avec scepticisme, estimant qu’ils sont nocifs, inefficaces ou font partie d’un complot.
La Suisse doit montrer l’exemple à l’échelle mondiale en devenant beaucoup plus imaginative – et responsable – dans sa façon de communiquer avec le monde. Cela signifie soutenir résolument un journalisme indépendant dans l’intérêt public. La plupart des thèmes internationaux de la Suisse sont planétaires et nécessitent donc des rapports locaux et internationaux critiques mais orientés solutions.
La triste réalité, cependant, est que ni les autorités suisses ni la plupart des plus de 6000 fondations suisses ne semblent comprendre l’importance du journalisme fiable comme l’un des outils les plus efficaces de sensibilisation publique crédible – et que cela devrait être considéré comme partie intégrante de toute aide au développement, de tout soutien humanitaire, éducatif, culturel et scientifique. Beaucoup trop d’organisations considèrent l’information comme des relations publiques plutôt que comme un bien essentiel dont les gens ont besoin pour mieux comprendre ce qui se passe. Parrainer des conférences internationales, des salons et des événements promotionnels ne suffit pas. Il faut investir davantage dans l’information elle-même.
Si certains financements sont effectivement allés aux médias suisses, principalement à cause de la Covid, le soutien aux reportages internationaux spécialisés visant à informer le public mondial est limité. C’est précisément ce que nous cherchons à faire avec Global Insights Magazine (www.global-geneva.com) Établi par des correspondants étrangers expérimentés, s’appuyant sur un réseau mondial de plus de 2000 journalistes, photographes, dessinateurs, cinéastes et autres experts des médias , nous nous concentrons sur la narration d’histoires captivantes et les enjeux que la Suisse internationale représente.
Ainsi, nos articles traitent des lanceurs d’alerte d’entreprises, de la corruption de la FIFA et des accords cachés permettant aux agents de sécurité chinois d’opérer sur le sol suisse, mais aussi du sort des réfugiés au Bangladesh, de l’inondation des villes d’Asie du Sud-Est due au changement climatique, du lien entre pandémies et protection de la faune en Afrique, la destruction du patrimoine culturel en temps de guerre. Très important : notre contenu est disponible gratuitement dans l’intérêt public. Plus crucial encore, nous travaillons avec des jeunes dans le cadre de notre initiative éducative Youth Writes pour les aider à améliorer leurs compétences en rédaction et à les sensibiliser aux cyber-abus grâce à un journalisme de qualité.
La Suisse internationale doit sortir des sentiers battus et faire preuve d’imagination. Une solution pour s’imposer en tant que chef de file et pionnier, serait de créer un Fonds mondial de journalisme d’intérêt public indépendant sur le plan rédactionnel, impliquant peut-être un consortium de fondations suisses et internationales, ainsi que le soutien d’entreprises, de banques et, pourquoi pas, de Facebook et de Google. Cela fournirait aux journalistes, qu’ils soient basés à Sion ou à Singapour, des subventions leur permettant de décrire correctement, depuis le terrain des enjeux incontournables : guerres, crises humanitaires, réchauffement polaire, commerce mondial, pourparlers en Afghanistan, pandémies et espèces sauvages, trafic sexuel – ainsi que l’ensemble des Objectifs de développement durable.
De plus, afin d’élargir la prise de conscience internationale du rôle de la Suisse, un système de bourses – déjà réalisé avec succès dans le passé – permettrait aux journalistes, y compris suisses, de passer plusieurs semaines ou mois à ausculter des organisations comme le CERN, le CIO, ART-Basel ou encore le tourisme de montagne durable à travers ses prestigieuses écoles hôtelières, ou différents instituts alpins.
Dans le même ordre d’idées, l’ONU, les entreprises multinationales et d’autres devraient envisager de dédier une partie de leurs budgets d’information pour soutenir des initiatives médiatiques indépendantes beaucoup plus crédibles. Le public serait bien mieux servi par une telle diversité de contenu. Après tout, le travail d’un bon journaliste est d’informer de manière fiable avec un récit permettant au public de mieux saisir ce qui compte.
Edward Girardet est un écrivain américano-suisse et correspondant international. Il a plus de 40 ans d’expérience dans la couverture des crises humanitaires, des guerres et du développement. Il est rédacteur en chef de Global Insights Magazine, qui fait partie du groupe à but non lucratif Global Geneva Group (www.global-geneva.com), lequel cherche à mettre en évidence les thèmes internationaux de la Suisse dans le monde entier. Il est également directeur de son programme éducatif mondial Youth Writes.
Cet article en version française était fait avec la collaboration de Daniel Wermus, journaliste et écrivain Suisse basé è Genève.
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