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La Neutralité Suisse : Un Modèle pour l'Europe?

La Suisse, avec son rôle de médiatrice sur la scène internationale, offre des perspectives intéressantes sur la neutralité. Ce modèle pourrait-il transformer la diplomatie européenne? Lisez pour en savoir plus.

Luisa Ballin·
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La neutralité suisse intrigue et fait débat. Le livre de Micheline Calmy-Rey dit tout ce que nous aurions toujours voulu savoir sur les voies empruntées par le Conseil fédéral à ce propos. Ancienne conseillère d’État du Canton de Genève puis conseillère fédérale en charge du Département des Affaires étrangères et présidente du Conseil des ministres du Conseil de l’Europe, Micheline Calmy-Rey a également été professeure invitée au Global Studies Institute de l’Université de Genève. Dans son ouvrage, paru aux éditions Savoir Suisse, l’autrice affiche sa conviction : si la neutralité est un marqueur d’identité de la placide Helvétie, elle n’est ni frileuse ni passive, mais bel et bien active.

Selon une l’étude Sicherheit 2019 de l’Académie militaire de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et son Center for Security Studies, le principe de neutralité est soutenu par 96% des personnes interrogées. De plus, 85% d’entre elles la trouvent « indissociables de la conception (suisse) de l’État », et une nette majorité pense que grâce à la neutralité, la Suisse peut offrir ses bons offices et même qu’elle est prédestinée au rôle de médiatrice et de facilitatrice dans les conflits internationaux.

« L’étude démontre que dans une Suisse plurielle, regroupant plusieurs cultures, langues et religions, la neutralité a toujours pour fonction de garantir la cohésion intérieure, et qu’elle assigne à la Suisse un rôle particulier dans le concert des nations : engagement humanitaire, bons offices, politique de dialogue et de promotion de la paix », écrit Micheline Calmy-Rey.

C’est notamment ce que la Confédération suisse met en avant pour obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU en juin prochain.

La neutralité est-elle compatible avec un siège au Conseil de sécurité à l’ONU ?

En 1674, lors de la guerre entre la France et les Pays-Bas, la Diète déclare pour la première fois que la Suisse est un « État neutre ». Cependant, en 1798, les troupes françaises envahissent le pays. La France impose à la « République helvétique » une alliance militaire que li contraient à renoncer à la neutralité.

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Après la défaite de Napoléon, le 20 novembre 1815, la neutralité suisse est confirmée par les grandes puissances européennes parties au congrès de Vienne et signataires du traité de Paris. L’Autriche, la France, l’Angleterre, le Portugal, la Prusse, la Russie et la Suède reconnaissent à la Suisse le droit de se tenir en dehors des conflits militaires et garantissent l’inviolabilité de son territoire. « La neutralité et l’inviolabilité de la Suisse et son indépendance de toute influence étrangère sont dans les vrais intérêts de la politique de l’Europe entière », peut-on lire sous la plume de Micheline Calmy-Rey.

Changement de paradigme le 10 septembre 2002, puisque la Suisse est officiellement admise comme membre à part entière de l’organisation des Nations Unies. Le droit de la neutralité est à l’épreuve de l’ONU. La Suisse, qui brigue un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU en 2023, peut-elle siéger dans un organe qui œuvre pour le maintien de la paix dans le monde, mais qui n’exclut pas le recours à la force dans certaines circonstances ? En 1990, après l’attaque du Koweït par l’Irak, le Conseil de sécurité avait décrété des sanctions économiques contre l’Irak. « Le Conseil fédéral avait alors déclaré que l’exécution autonome de sanctions économiques était compatible avec la neutralité et s’y était rangé », précise l’ancienne conseillère fédérale.

Lors de la deuxième guerre d’Irak, en 2003, la Suisse interdira aux avions militaires des États impliqués de survoler son territoire national avant et pendant le conflit. Elle interdira aussi toute livraison de matériel militaire provenant de la Confédération aux parties en conflit et soumettra à autorisation les exportations de matériel militaire de la RUAG, la société d’armement de la Confédération, et celles d’entreprises privées suisses vers des pays associés au conflit.

Dans son ouvrage, Micheline Calmy-Rey fait une large place à deux points de vue opposés sur la question : La neutralité, c’est quoi ? L’avis de Roger Köppel, conseiller national, journaliste, rédacteur en chef et éditeur de la Weltwoche, est résumé par un titre explicite : La lutte pour la neutralité armée. Et l’analyse de Jean Ziegler, sociologue, ancien conseiller national et membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur La schizophrénie de la politique étrangère suisse est sans appel.

L’ancienne présidente de la Confédération n’a jamais mâché ses mots lorsqu’elle exerçait le pouvoir. Elle ne le fait pas davantage dans son plaidoyer pour une neutralité active, en soulevant des sujets qui fâchent. « Les exportations d’armes suisses sont matière à controverse : comment ne pas être effaré par les multiples tentatives de modifier l’ordonnance sur le matériel de guerre afin de rendre les exportations d’armes plus permissives », écrit-elle.

Évoquant les relations internationales, elle note que la politique étrangère est perçue comme la promotion des intérêts nationaux au sens étroit du terme. Avec avant tout des intérêts économiques et financiers. Une telle orientation encourage protectionnisme et isolationnisme et nourrit des doutes sur l’efficacité de la neutralité en tant qu’instrument de sécurité.

Et l’ancienne Présidente de la Confédération de rappeler que, « En avril 2016, sur pression de l’industrie de l’armement, le Conseil fédéral s’est lancé dans une interprétation pour le moins acrobatique de l’ordonnance sur le matériel de guerre pour pouvoir autoriser, au cas par cas, les exportations vers les pays participant à la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite au Yémen…Mais effaré par les répercussions considérables de l’affaire Khashoggi, il a renoncé à son projet de règlement initial ».

Pour conclure sa démonstration en faveur d’une neutralité active de la Suisse à l’Europe, Micheline Calmy-Rey estime que « En accord avec ses valeurs dotées d’une vraie stratégie de politique étrangère et de défense adoubée par les citoyennes et les citoyens européens, une Union européenne neutre serait en mesure d’affirmer sa capacité d’être différente dans un scénario géopolitique en changement ».

À lire : Pour une neutralité active – De la Suisse à l’Europe, par Micheline Calmy-Rey. Préface de l’ancien président français François Hollande. Édition du Savoir Suisse (2021).

Dialogue autour du livre “Pour une neutralité active. De la Suisse à l’Europe”

En partenariat avec le Savoir suisse

Mardi 21 septembre 2021 de 17h30 à 19h15

Amphimax 350 – Université de Lausanne

Inscription obligatoire via le site internet de la Fondation : jean-monnet.ch

Animation du dialogue par

  • Jacques de Watteville, Vice-président de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, ancien Secrétaire d’État de la Confédération suisse
  • Jean-Philippe Leresche,Président du Comité d’édition de la collection Savoir suisse, Professeur à l’Université de Lausanne

Discussion et questions-réponses avec le public.

Cet événement est organisé avec le soutien de l’Université de Lausanne, d’Assopol Alumni et du Réseau Alumni SSP.

Luisa Ballin est une journaliste Italo-suisse qui collabore régulièrement avec le magazine Global Geneva.

Italo-Swiss journalist Luisa Ballin is a contributing editor of Global Geneva magazine.

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